dimanche 27 septembre 2009

"Beaucoup de bruit pour peu de sens"

Samedi 27 septembre au matin, on écoutait avec un intérêt qui ne faiblit pas l'excellente émission de Rebecca Manzoni sur France Inter, Eclectik, que vous pouvez retrouver ici. Guillaume Erner, chroniqueur, s'était penché ce jour-là sur le traitement infligé à l'Histoire dans le documentaire Apocalypse, dont France 2 nous rebat les oreilles jusqu'à la nausée. Autopromotion, l'autre soir, juste avant le journal de 20h : des images de déportations avec une musique de fin du monde, et comble d'une bêtise crasse, les chiffres de l'audimat de la dernière diffusion qui se greffent sur l'image... L'exceptionnel battage médiatique autour de cette série documentaire aura heureusement réveillé quelques consciences, dont celle de Guillaume Erner dont je vous retranscris ici une partie de la chronique :
"A la mode cette semaine, dans les collections automne-hiver, les nouvelles tendances, c'est un défilé vert de gris sur la Pologne qui se prolonge jusqu'au Champs-Elysées. Une bande son très sympa, façon raid. La guerre la plus cool, c'est de loin la Seconde Guerre Mondiale. La Seconde Guerre Mondiale, c'est du sang, des larmes et la victoire. La victoire sur les Experts de TF1 : 7, 2 millions de téléspectateurs ! Quand tu penses qu'à Leningrad les russes n'en ont rassemblé que deux millions. Plus de trois fois plus donc sur France 2, pour un documentaire sobrement intitulé Apocalypse. Et cela donne des idées à France 2 : Patrice Duhamel a déclaré chez Morandini (celui qui, je suppose, occupe aujourd'hui le siège de Braudel au Collège de France) : "il y aura une suite à Apocalypse". Mais laquelle ? Problème, après la Seconde Guerre Mondiale, il n'y en a plus eu que des petites. Avec la guerre de Corée, même Thalassa va nous ridiculiser. Grâce à Apocalypse, on peut se réjouir que la Seconde Guerre Mondiale soit enfin accessible aux jeunes générations : images colorisées, son THX, narration d'un djeun', Matthieu Kassotivitz (brillante idée d'ailleurs de le prendre comme caution lui qui ne croit pas au 11 septembre). Mais Apocalypse remplit-il véritablement son rôle pédagogique? Sur la condamnation de la guerre, la dénonciation des abominations nazies, alors ce documentaire tient ses promesses. Mais s'il s'agit de comprendre l'événement? Alors cette suite d'images chocs, où l'on voit des bombardements, des corps, des morts et même des caleçons, ne produit que beaucoup de bruit pour peu de sens. Apocalypse (comme son nom l'indique) relève plus d'une transe religieuse que d'une démarche historique. Il ne s'agit plus d'un "passé qui ne passe pas", mais d'une permanence de l'impensée".
Pour aller plus loin, Télérama (n°3314) a consacré un article passionnant au phénomène. Les réalisateurs du documentaire y expliquent avec aplomb que les événements ont été vécus en couleurs par leurs protagonistes, et que si ils nous ont été transmis en noir et blanc, c'est uniquement pour des raisons d'insuffisances techniques.
"Une telle confusion entre le réel et l'archive, l'histoire et ses représentations, se double dans Apocalypse d'une volonté revendiquée de réactiver l'impact émotionnel des événements eux-mêmes. Mais chercher à rendre proche ce qui est lointain en le conformant aux standards du flux télévisuel, c'est aussi sacrifier au présentisme dénoncé par l'historien François Hartog -cette propension à rapprocher l'hier de l'aujourd'hui".

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