dimanche 31 octobre 2010

La lectrice (Raymond Jean)

Dans la vie, le principal atout de Marie-Constance G., la trentaine, mariée et sans emploi, c'est sa voix. Elle décide de passer une annonce dans les journaux pour devenir lectrice. Elle ne pensait pas vraiment en faire une profession, mais les événements en décideront autrement. Parmi son public, on trouve la veuve d'un général, un adolescent infirme, un PDG esseulé, un notable en retraite... Tous ont besoin de sa voix, de sa présence et peut-être d'un peu plus.


"La lectrice" est un roman simple et touchant. Par le choix des textes lus d'abord. La narratrice sélectionne les œuvres en fonction de son public, elle touche juste et ce faisant pousse les gens à laisser leur retenue au vestiaire. D'autant plus que la lectrice ignore la morale : la question de savoir si ce qu'elle fait est bien ou mal aux yeux des autres ne se pose jamais. Effet désinhibant garanti. Conséquence logique : l'érotisme marque tout le roman. Rien de graveleux, mais une sensualité âpre et brute se dégage des pages à chaque geste ou parole de la lectrice. Le tout est enveloppé de l'écriture espiègle, légère et profonde de Raymond Jean qui, par ses mots, nous fait presque entendre la texture de la voix de cette femme...

mardi 26 octobre 2010

Le confident (Hélène Grémillon)

Difficile de résumer "Le Confident" : le scénario est tellement touffu, les histoires tellement imbriquées et les détails tellement importants qu'on y passerait une bonne heure. Nous dirons pour faire simple que chaque semaine, Camille, une jeune trentenaire, reçoit la lettre d'un inconnu qui lui raconte une histoire qui n'a en apparence aucun lien avec elle. Celle d'un garçon et d'une fille épris l'un de l'autre dans un petit village quelque part en France, et que la seconde guerre mondiale va séparer. 

On se plaît à penser, alors qu'on lit les premières pages, qu'Hèlene Grémillon ne s'en tire pas trop mal pour un premier roman, mais qu'elle devrait encore travailler son récit au vu des improbabilités dont il est parsemé. Et alors que l'on s'apprêtait à lui chanter la petite musique du "toi, c'est bien parce que tu es la compagne de Julien Clerc que tu as pu être publiée", on est soudain saisi par l'épaisseur du récit, par la précision des détails qui en un tournemain font d'une histoire peu crédible un roman dense et à suspens.

On respire, car en lieu et place du gentil (et usé) petit récit dramatique sur fond de guerre, on se retrouve presque aussi tourmenté que la narratrice au fur et à mesure qu'elle découvre le passé de ses parents. Sans parler du dénouement, d'un culot monstre mais d'une efficacité remarquable.

samedi 23 octobre 2010

Arlington Park (Rachel Cusk)


On comprend bien où Rachel Cusk veut en venir : des femmes s'ennuient dans leurs villas cossues. Elles regardent leurs maris gagner le pain de la maisonnée, elles regardent leurs enfants grandir, elles regardent leurs voisins dans leurs jardins, et elles analysent la vanité de la condition humaine car elles sont bien moins cruches qu'il n'y paraît. Une trame intéressante, mais que le cinéma et la télévision (voyez Desperates Housewives...) ont usé jusqu'à la corde.

Et pourtant l'auteur a l'œil acéré et mordant. Mais à trop deviner ce qu'il va se passer à la page d'après, l'attention du lecteur fléchie bien vite...

lundi 4 octobre 2010

13 heures (Deon Meyer)

Dans une interview quelconque, j'ai entendu Deon Meyer affirmer qu'il n'avait pas de style et qu'il employait les mots tels qu'ils lui venaient. C'est être bien modeste : s'il est vrai que ce monsieur n'est pas un virtuose de la plume, son écriture n'en est pas moins directe. On appelle ça un style "efficace" je crois. Droit au but, sans expressions superflues : ça suffit à sauver le livre.

Quant au fond de ce thriller sud-africain, il est d'une banalité déconcertante : un flic alcoolique, en conflit avec toute sa famille, la description des courses poursuites en bagnole dans les rues du Cap dont on se fiche éperdument  (remarquez, ça change des rues de Los Angeles) et un contre-la-montre pour sauver une jolie jeune fille innocente des mains de méchants tueurs.

Allez, je ne résiste pas à la tentation vous faire partager un moment de radio-guidage pur Google Maps Les Pages Jaunes : "ce type là-bas... James Dylan Fredericks, c'est lui qui l'a trouvée. C'est le directeur du magasin Kauai Helth Foods, dans Kloof Street. Il vient de Mitchell's Plain par le bus de Golden Arrow et se rend à pied à son travail par la gare routière". Moi j'adore !!