mardi 23 novembre 2010

La Reine Margot (Alexandre Dumas)

Du grand roman-feuilleton, avec ce qu'il faut de sang et de passion. Dumas explore l'histoire sans trop se soucier de la véracité des faits, et par là-même il la rend mythique : c'est bien tout ce que l'on demande à un roman historique, où, comme toujours chez Dumas, les hommes luttent contre la fureur de la destinée. Henri de Navarre, le futur Henri IV, en sait quelque chose : de sa cage dorée du Louvre, il voit passer devant lui le massacre de la Saint-Barthélémy un soir d'août 1572, les tentatives d'empoisonnement de la reine-mère Catherine de Médicis, les complots fomentés par les Guises et la fratrie royale... A ses côtés, il a sa femme, la reine Marguerite, qui n'est pas vraiment, comme le laisse croire le titre, le personnage principal du roman. Elle aidera, par calcul politique, son mari à réchapper des pièges tendus par les siens et à avancer vers le trône, marquant ainsi la fin de la dynastie des Valois et le début de celle des Bourbons. 

Au milieu de ces conspirateurs, La Mole, protestant mélancolique, et Coconnas, catholique impulsif, gentilshommes de leur état, sont les deux meilleurs amis du monde et sont pris, plus ou moins malgré eux, dans les tourmentes royales. De ce couple improbable, digne de la pire (ou de la meilleure) comédie hollywoodienne, naît pourtant un ressort comique des plus efficaces, venant apporter un souffle d'air frais dans la pesanteur des événements parisiens. Le roi Charles IX n'en sort pas indemne lui non plus, puisqu'il paraît que Dumas s'est fait pour spécialité de tourner en dérision la volonté des puissants, après Louis XIII jouet de Richelieu dans les Trois Mousquetaires, voici Charles IX jouet aux mains de sa mère Catherine.

Le tout est, nous l'avons dit, sanglant. Mais la bonne humeur que sait insuffler l'auteur dans son style et dans ses personnages surpasse toujours l'horreur, et c'est toujours avec ce sentiment bizarre de lire le script d'une pièce de boulevard, à base de tentures derrières lesquelles on se cache et de Sa Majesté que l'on manipule à distance, que l'on dévore les lignes une à une d'un roman qui, s'il gagnerait à être plus court, n'en demeure pas moins une fresque historique palpitante.



mercredi 17 novembre 2010

Les trois dames de la Kasbah (Pierre Loti)

Deux contes orientaux, pas vraiment palpitants, pas vraiment dénués d'intérêts non plus... Des soldats français découvrent Alger, ses plaisirs et ses dangers. Tout cela a bien mal vieilli...

jeudi 4 novembre 2010

Écho (Ingrid Desjours)

Des jumeaux stars du PAF et du tout-Paris sont retrouvés sauvagement assassinés dans leur appartement. Ils animaient ensemble une émission à succès dont les invités ressortaient rarement indemnes. La liste des suspects est donc longue, et ce sont un flic et une sexo-criminologue qui tenteront de faire la lumière sur cette affaire.

"Écho" offre un regard intéressant sur la perversité, le narcissisme et les faux-semblants. Le mécanisme par lequel les personnages se voient offrir à leur insu des miroirs dans lesquels ils se reconnaissent et finalement se perdent est finement décrit. Cependant, on aura rarement vu un manque d'originalité aussi flagrant dans le traitement de la personnalité des deux enquêteurs. Sans aucune épaisseur, leur portrait est dressé à coups de clichés assenés au lecteur avec un aplomb hallucinant. Il y a ce commandant de police célibataire aux hormones à fleur de peau, et surtout cette sexo-criminologue (méga bombe, méga intelligente, mais méga seule... c'est vous dire si on y croit) dont on cherche toujours à savoir ce qu'elle vient faire là-dedans, sinon donner une indispensable caution scientifique à l'histoire : en effet, si les platitudes sur les sévices de l'enfance qui ressortent à l'âge adulte vous effraient, n'approchez pas. Ses réflexions pseudo-déductives à partir d'interviews des victimes pêchées dans Télé 7 Jours sont à tomber par terre. Et je ne dirai rien des dialogues à pleurer. Seuls moments forts, les lignes écrites dans le journal intime du coupable, crues et violentes, mais surtout dégagées de toute approche psychologisante superflue. En somme, un thriller qui se lit bien et vite, mais dans le ventre mou de la production annuelle.

lundi 1 novembre 2010

Le soleil des Scorta (Laurent Gaudé)

Nés d'un viol, les Scorta sont une famille maudite. Dans le village de pêcheur de Montepuccio, au sud de l'Italie, ils vivent à l'écart et inspirent aux habitants des sentiments contradictoires de crainte, de haine et de respect. La lignée traversera ainsi le 20e siècle, prisonnière de cette terre des Pouilles qu'elle ne peut se résoudre à quitter, malgré les malheurs successifs qui la frappent.

"Le Soleil des Scorta" laisse au lecteur un sentiment mitigé. Goncourt 2004, le livre dépeint avec une puissance rare la terre brûlée par le soleil, la sueur des hommes qui la cultive et l'implacable poids du destin. La descente aux enfers assumée de Rocco Scorta, l'ancêtre de la famille, est digne de celle d'un héros de la Grèce antique. En revanche, les mésaventures et bonheurs fugaces de ses descendants n'accrochent plus aux tripes. La fatalité et l'inexorable fuite du temps accablent les personnages, qui ne semblent plus faire que vivre, pleurer et mourir. On a peine à s'émouvoir pour la descendance de cette famille, dont le portrait a été bâclé.