mardi 10 août 2010

La Guerre des boutons (Louis Pergaud)


Le père Simon, l'instituteur, trouvait sa classe bien sage ce matin-là. Hier dissipés et indociles, ses enfants étaient aujourd'hui des garçons modèles, buvant la parole du maître et récitant au mot près leurs leçons. C'est étrange, se disait-il, comme le climat influe sur leur comportement : la pluie les rend intenables et le soleil les apaise miraculeusement. Mais, n'en déplaise au père Simon, l'auteur rappelle alors bien à propos cet invariant pédagogique :

"Comme si les enfants, vite au courant des hypocrisies sociales, se livraient jamais en présence de ceux qui ont sur eux une parcelle d'autorité ! Leur monde est à part, ils ne sont eux-mêmes, vraiment eux-mêmes qu'entre eux et loin des regards inquisiteurs ou indiscrets. Et le soleil comme la lune n'exerçaient sur eux qu'une influence en l'occurrence bien secondaire".

Ce que ne pouvait pas savoir l'instituteur, c'est que la sagesse apparente de sa classe n'avait pour unique mobile d'éviter une retenue malencontreuse. Ce que ne pouvait pas savoir non plus l'instituteur, c'est que ce soir-là les enfants de Longeverne allaient monter au front, mener une guerre sans merci face aux gamins de Velrans, le village d'en face. Cette guerre, c'était la Guerre des boutons.

Si elle n'a laissé que peu de traces dans les livres d'histoire, la Guerre des boutons n'en fut pas moins férocement disputée. Des causes du conflit on ne connaissait rien, si ce n'est le fait que, de mémoire d'enfant, les Longevernes avaient toujours été en guerre contre les Velrans. Les prisonniers, au soir des batailles dans les prés de la Saute, étaient froidement défaits de leurs boutons, puis renvoyés dans leur camp et laissés à la vindicte de leurs parents.

Ce sont ces hauts faits que raconte la Guerre des boutons, un livre qui laisse l'arrière-goût délicieux d'un Petit Nicolas qui aurait cent ans d'avance. Car c'est lors d'une guerre d'un autre genre qu'est mort Louis Pergaud, en 1915, au cours d'une attaque dans la Meuse...


Yves Robert, La Guerre des Boutons (1961)


lundi 2 août 2010

La délicatesse (David Foenkinos)

 
Pour raconter une histoire d'amour (thème peut-être le plus rebattu de la littérature romanesque) sans ennuyer son monde, il faut être doué. C'est le cas de David Foenkinos. Moins imaginatif que Daniel Pennac, mais aussi moins moralisateur ; moins doué qu'Érik Orsenna pour le sens du détail, mais aussi moins faussement érudit. En somme, voilà un auteur qui n'a pas à rougir de se comparer aux meilleurs. Preuve à l'appui, la scène du premier rendez-vous entre François et Nathalie : 

"Il lui demanda ce qu'elle voulait boire. Son choix serait déterminant. Il pensa : si elle commande un déca, je me lève, et je m'en vais. On n'avait pas le droit de boire un déca à ce genre de rendez-vous [...] Un thé, ce n'est guère mieux. [...] On sent qu'on va passer les dimanches après-midi à regarder la télévision. Ou pire : chez les beaux-parents [...] Alors quoi ? De l'alcool ? Non, ce n'est pas bien à cette heure-ci. On pourrait avoir peur d'une femme qui se met à boire comme ça [...] Que restait-il maintenant? Le Coca-Cola, ou tout autre type de soda.... Non, pas possible, cela ne faisait pas du tout femme. Autant demander une paille aussi, tant qu'elle y était. Finalement, il se dit qu'un jus, ce serait bien. Oui un jus, c'est sympathique. On sent la fille dosée et équilibrée. Mais quel jus ? Autant esquiver les grands classiques ; évitons la pomme ou l'orange, trop vu. Il faut être un tout petit peu original, sans toutefois être excentrique. La papaye ou la goyave, ça fait peur. Non, le mieux c'est de choisir un entre-deux, comme l'abricot. Voilà, c'est ça. Le jus d'abricot, c'est parfait. Si elle choisit ça, je l'épouse, pensa François. A cet instant précis, Nathalie releva la tête de la carte comme si elle revenait d'une longue réflexion [...]
- Je vais prendre un jus...
- ... ?
- Un jus d'abricot, je crois.
Il la regarda comme si elle était une effraction de la réalité".

Seulement François va mourir. Après plusieurs années de bonheur parfait. Écrasé en traversant la route. En se plongeant dans le travail pour oublier, Nathalie ne va pas voir venir Markus, un collègue effacé au physique modeste, timide et dans la lune. C'est le véritable héros de ce roman, qui apparaît au moment même où l'histoire menaçait de tourner en rond. Un personnage insignifiant devient le deus ex machina de l'intrigue. Le véritable talent de David Foenkinos s'exprime à partir cet instant. "Il faut avoir vécu des années dans le rien pour comprendre comment on peut être subitement effrayé par une possibilité", dit-il à propos de Markus. C'est là le fond de l'histoire.

dimanche 1 août 2010

Sans le nucléaire on s'éclairerait à la bougie (Corinne Lepage, Jean-François Bouvet)

 
Voilà un joli livre qui dénonce les idées propagées par les méchants industriels. Heureusement, en face, il y a Claude Allègre, qui écrit lui aussi des jolis livres pour dénoncer les idées propagées par les méchants écologistes. Chaque camp n'étant lu que par ses propres aficionados, le débat avance. D'ailleurs devinez pourquoi j'ai choisi ce livre-là plutôt que L'imposture climatique...