jeudi 18 juin 2009

La refondation du monde (Jean-Claude Guillebaud)

La refondation du monde, rien que ça ? Avec un titre pareil, Jean-Claude Guillebaud avait intérêt à ne pas nous décevoir. Et c'est réussi. Bien que paru en 1999, l'ouvrage est d'une actualité brûlante, et en cette période où l'idée directrice est une fantasque moralisation du capitalisme, il fait bon de le lire ou de le relire. Exemple :

« Il serait nécessaire, nous répète t-on sans cesse, de retrouver une morale. Tout nous invite à nous méfier du mot même de "morale" ou de celui qui se veut plus anodin d'éthique. Tous deux transportent avec eux je ne sais quelle intention disciplinaire. Comme s'il s'agissait, dans cette affaire, de mieux écouter un commandement venu d'en haut et auquel il nous faudrait réapprendre à obéir. Nul ne fera jamais revivre ce qui a été désenchanté. Sauf le tyran, peut-être».

Le ton est posé. Ce qui intrigue et inquiète Jean-Claude Guillebaud, c'est l'immense désarroi actuel, la fin des concepts qui permettaient jadis d'expliquer le monde et sa complexité. Avec la chute du Mur de Berlin, tout a volé en éclat. Et de citer Levinas :

« Aujourd'hui, nous avons vu disparaître l'horizon, qui apparaissait derrière le communisme, d'une espérance, d'une promesse de délivrance. Le temps promettait quelque chose. Avec la disparition du communisme, le trouble atteint des catégories très profondes de la conscience européenne ».

Alors comment penser la totalité après l'immense tragédie que fut le XXe siècle ? Comme le mentionne Edgar Morin, il y a bien longtemps que le projet encyclopédique - celui qui définissait l'honnête homme des Lumières - est hors de notre portée. Chaque année, chaque mois, chaque semaine qui passent voient se ramifier un peu plus, jusqu'à une arborescence infinie, les connaissances et les disciplines. Il ne nous reste guère que le choix entre la "superficielle généralisation médiatique" et "la compétence fragmentaire des disciplines".

Quelle est la place de la citoyenneté là-dedans ? Comment le citoyen ordinaire que je suis peut-il prendre position ? De manière personnelle, la question s'est posée à moi lors des élections européennes de 2009, placées sous le sceau de la lutte contre la crise. Entre une droite qui prône une course effrénée au profit et une extrême-gauche qui se berce d'illusions redistributrices, que me reste t-il ? La gauche réformiste ou le centre, mais ni l'un ni l'autre ne portent un véritable projet de société, et naviguent à vue. Je regarde alors d'autre voies. Celle de l'écologie ? Oui, le combat des Verts me touche en tant que citoyen, mais en se focalisant sur un unique credo, n'en vient-on pas à oublier tous les autres ?

Qui s'adresse à moi en tant que citoyen ? Personne. "Sans doute faut-il se mobiliser, écrit Jean-Claude Guillebaud, mais où est le front ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire