samedi 27 juin 2009

Chagrin d'école (Daniel Pennac)


Mettons d'abord de côté ce qui fâche dans cet essai : Daniel Pennac a décidé d'écrire sur l'échec scolaire et par conséquent sur la figure du cancre. Il dispose, selon lui, de toute la légitimité pour le faire, puisque son enfance se résume à une impressionnante collection de bonnets d'ânes et autres zéros pointés. C'est précisément ici que le bât blesse : étant son propre objet d'étude, il se regarde écrire, commente ses propres réflexions, fait son autocritique à la place du lecteur, dialogue avec lui-même, puis analyse ce même dialogue… Bref, une véritable mise en abîme de son ego. Disons-le tout court : c'est exaspérant.

Pourtant, le livre met en avant une façon originale de traiter l'école et ses problèmes. Daniel Pennac, cela se sent, sait de quoi il parle. On apprécie le fait qu'il ne désigne aucun bouc-émissaire (il faut reconnaître qu'il connaît le sujet, voir Au bonheur des Ogres), et prône des solutions tout à fait iconoclastes (l'amour, par exemple) dans un monde où seule "la méthode" compte. Les préjugés en prennent pour leur grade, car Daniel Pennac a toujours sous la main quelques bons mots et quelques démonstrations par l'absurde bien sentis.

"Souvent, autour des tables dominicales, quelques adultes cassaient du sucre sur le dos de Picasso : affreux ! Peinture pour snobs ! Le n'importe quoi érigé en art majeur…
Malgré cette levée de bouclier, Picasso se répandait comme une algue : dessin, peinture, gravure, céramique, sculpture, décors de théâtre, littérature même, tout y passait.
- Il paraît qu'il travaille à toute allure !
Une de ces algues prolifiques venue d'un océan monstrueux pour polluer les golfes de l'art paisible.
- C'est une insulte à mon intelligence ! Je n'accepterai jamais que l'on se moque de moi.
Au point qu'un dimanche je pris la défense de Picasso en demandant à la dame qui venait de répéter cette accusation pour la énième fois si elle pensait raisonnablement que, ce matin-là, l'artiste s'était réveiller avec l'idée de torcher vite fait une petite toile dans le seul but de se moquer de madame Geneviève Pellegrue. […]
Geneviève Pellegrue ignorait qu'elle allait digérer Pablo Picasso comme le reste, lentement certes, mais inexorablement, au point que quarante ans plus tard ses petits-enfants rouleraient dans une des voitures familiales les plus hideuses jamais conçues, un suppositoire géant auquel les nouveaux Pellegrue donneraient le nom de l'artiste, et qui les déposeraient, par un beau dimanche de prurit culturel, aux portes du musée Picasso".

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